clemence

Le handicap est arrivé brutalement dans nos vies! Nous ne nous doutions vraiment de rien et l’annonce n’en a été que plus douloureuse. La grossesse s’était parfaitement bien déroulée, toutes les échographies étaient normales, de même que les prises de sang. Bref, rien ne laissait présager que notre bébé allait naitre différent. Nous étions encore jeunes : 25 et 22 ans et nous n’avions jamais envisagé la possibilité que notre enfant puisse être porteur d’un quelconque handicap.

La naissance se déroula normalement et nous étions comblés de tenir dans nos bras notre jolie Clémence! Deux jours de douceur avant que …. la pédiatre rentre dans cette petite chambre impersonnelle de la maternité et nous demande froidement : « vous n’avez pas remarqué quelque chose concernant votre enfant? » Je serrais notre petite Clémence sur mon cœur quand elle prononça cette phrase qui restera gravée à jamais dans ma mémoire : « votre enfant est très certainement trisomique il va falloir faire un caryotype pour le confirmer ».

Si l’’annonce ne nous a été faite que deux jours après la naissance c’est parce que l’équipe médicale a fait le choix d’attendre afin de nous permettre d’accueillir notre enfant sans que nos regards se focalisent sur le handicap et pour que l’amour trouve toute sa place. Cette annonce a été et restera un véritable choc, il nous a fallu accepter que notre vie et nos projets seraient désormais quelque peu différents, accepter que le handicap fasse dorénavant partie de notre vie et surtout nous avons dû faire le deuil de cette enfant en parfaite santé que nous nous étions imaginés…

Tristesse, doutes, incompréhensions et peurs, ont bercés nos premières journées. Nous étions déstabilisés par tous ces sentiments qui s’entremêlaient et étaient en totale contradiction avec cet immense sentiment d’amour qui naissait… Je ne supportais plus d’être dans cette maternité où je croisais des mères qui tenaient dans leurs bras leur bébé en parfaite santé, je me sentais perdue, différente, enfermée dans ma souffrance qui m’empêchait de réaliser complètement ce qui nous était tombé dessus. Tant de questions, et cette désagréable impression d’avoir été comme « punie ». La culpabilité était également présente, je me sentais coupable vis-à-vis de Clémence.

Je crois qu’aimer Clémence c’est aussi aimer sa trisomie, ce que nous avons appris à faire au fil des années.

A cette souffrance que j’avais du mal à gérer, s’ajouta le fait qu’il fallait aussi annoncer la nouvelle à sa grande sœur Laura et à nos proches, l’épreuve de savoir que leurs cœurs seraient aussi touchés… Et que nous ne pourrions rien faire pour soulager leur chagrin. Leur soutien nous a aidés à surmonter notre peine et nous avons peu à peu retrouvé une certaine confiance. De toute façon nous n’avions pas d’autre choix que d’accepter cette nouvelle vie qui s’offrait désormais à nous.

En quittant la maternité nous avons pu laisser toutes nos larmes et nos peurs derrière nous et repartir de l’avant. Dans notre petit chez nous, nous avons retrouvé une certaine sérénité. Peu importe les circonstances, nous étions les parents d’une petite fille et nous avions nous aussi le droit d’être heureux. Depuis, l’amour est devenu le moteur de notre vie! Je crois qu’aimer Clémence c’est aussi aimer sa trisomie, ce que nous avons appris à faire au fil des années.

Et puis, nous pouvons dire que finalement nous avons eu de la chance : à part cette fichue trisomie qui nous faisait si peur, Clémence était plutôt une enfant en bonne santé. Au fil des mois nous avons commencé à nous sentir plus forts et à « apprivoiser » son handicap. Nos cœurs rudement secoués se sont ouverts pour y laisser entrer la joie. Dans notre maison, les rires ont doucement repris leur place. Le bonheur pouvait donc exister et c’était à nous de nous le façonner. Nous étions une famille comme les autres, et cette différence faisait juste partie de notre histoire. On s’est occupés de Clémence comme tout parent s’occupe de son enfant. Bien sûr, il a aussi fallu adapter nos emplois du temps aux besoins de Clémence. Le CAMSP (Centre d’Action Médico-Sociale Précoce) nous dirigea ainsi vers des professionnels tels que psychologue, psychométricienne, orthophoniste, kinésithérapeute qui ont aidé notre fille dans son évolution et nous ont aussi guidés dans notre rôle de parents.

Les années sont passées doucement, Clémence est même allée en crèche pendant quelques mois ce qui lui a permis de s’épanouir au milieu d’autres enfants. Elle a ensuite fait sa rentrée en maternelle avec l’aide d’une AVSI (auxiliaire de vie scolaire individuel) en petite et moyenne section. Nous pensions alors emplis de certitudes et de fierté que nous allions nous battre pour que Clémence puisse continuer son parcours dans une école ordinaire et qu’elle serait capable de suivre une scolarité « comme les autres » mais nous nous sommes rapidement rendus compte qu’il fallait aussi accepter les limites de notre fille et que ce n’était pas forcément la meilleure solution pour elle… Merci à la providence d’avoir mis l’association « aime la vie » sur notre route, au moment même où nous sentions que Clémence ne s’épanouissait plus dans le cycle scolaire classique. « Aime la vie » est une petite structure qui accueille six enfants handicapés, encadrés par deux éducatrices spécialisées. Ecole le matin avec apprentissage de la lecture aidé par la méthode Borel-Maisonny. Les après-midis sont consacrés à d’autres activités : sport, cuisine, poney, activités manuelles, sorties à la ferme. L’association propose également une semaine de vacances à la mer par an et un spectacle à chaque fin d’année. L’amour de ces femmes pour nos enfants fait des merveilles et quel soutien pour nous parents! Clémence s’y épanouit depuis maintenant cinq années et ses progrès ont été fulgurants! Petit à petit, l’acquisition de la lecture se met en place même si, de retour à la maison, elle se refuse encore à nous montrer ses progrès.

Clémence grandit à son rythme, et nous avons compris et accepté qu’il y aurait toujours un décalage dans son évolution par rapport aux autres enfants, mais cela ne nous fait plus souffrir, nous sommes fiers de notre fille et de ses réussites. L’amour a grandi avec les années et notre fille a toute sa place dans nos cœurs!

Clémence a marché aux alentours de ses trois ans et nous attendions tellement ce moment que l’émotion fut grande! L’acquisition de la propreté fut difficile et, même aujourd’hui, nous emportons toujours avec nous quelques vêtements de rechange au cas où. L’acquisition du langage n’est également pas une mince affaire. Des séances d’orthophonie, une fois par semaine, sont toujours nécessaires car Clémence s’exprime avec difficultés. En tant que parents nous comprenons et devinons son « charabia » mais elle a des difficultés d’élocution importantes. Elle utilise généralement des mots simples et courts pour se faire comprendre et fait peu de phrases. Ce qui est un peu difficile pour nous c’est que Clémence exprime mal ses sentiments et n’a pas toujours les mots nécessaires pour se faire comprendre. C’est souvent à nous de deviner ses frustrations, ses peurs, ses demandes. Du coup on s’appuie souvent sur des images (pictogrammes).

Instinctivement, en sachant notre fille porteuse de trisomie 21, nous lui avons toujours porté une attention un peu particulière car nous étions soucieux de son bien-être et conscients que Clémence n’assimilait pas les choses aussi rapidement qu’un enfant dit « normal ». Elle n’a pas encore, par exemple, complètement conscience des dangers de la route et a cette fâcheuse tendance à trop s’éloigner ou même, dans certaines situations, à se sauver. Nous avons donc instauré un mot d’alerte : « stop » qui lui permet de comprendre qu’il y a un danger et qu’elle doit immédiatement s’arrêter et nous attendre. Jusqu’à présent cela a toujours bien fonctionné et nous a évités de lui courir plusieurs fois après!

En raison du décalage dans les acquisitions entre Clémence et un enfant de son âge sans handicap, il est parfois difficile, pour nous parents, de trouver un juste équilibre entre chercher à la protéger et tenter de lui donner la plus grande liberté possible et la laisser évoluer et grandir comme tout enfant de son âge. Dans la foule, par exemple, je suis automatiquement plus attentive, je la cherche plus fréquemment du regard. Ce n’est pas franchement de l’inquiétude mais je sais qu’avec son caractère malicieux Clémence aurait vite fait de filer en douce!

Clémence est une petite fille plutôt joyeuse. Elle se contente de peu et s’émerveille de tout. Clémence a aussi son caractère bien à elle et elle n’apprécie pas qu’on lui impose quoi que ce soit. Elle aime particulièrement écouter de la musique et regarder des dessins animés. Clémence adore jouer avec ses frères et sœurs même si elle se montre parfois un peu jalouse. Elle aurait bien aimé pouvoir garder son statut de petite dernière. Nous avions pris l’habitude de trop la « chouchouter », car nous avions, je crois, peur qu’elle soit malheureuse, et nous avons eu également tendance à la surprotéger. L’arrivée de ses frères et sœurs et notre expérience acquise avec les années nous ont aidés à prendre du recul et à comprendre que Clémence devait apprendre à voler de ses propres ailes et qu’elle en était capable. Nous avons appris à lui faire confiance.

Clémence est un peu une magicienne, capable de faire grandir les âmes!

En dehors de l’école, Clémence multiplie les activités. Elle a notamment suivi des cours de karaté et de natation. Ces activités permettent à Clémence d’interagir avec des enfants sans handicap.  Nous cherchons également à travers ses activités à favoriser son autonomie.  Clémence a ainsi fait du scoutisme et pendant l’été, nous l’inscrivons dans un club de plage.

Aujourd’hui, Clémence à 10 ans! Et cela me donne le vertige quand je vois tout ce que nous avons vécu, les joies immenses, les peines, les questionnements, les apprentissages… un long chemin à été parcouru! Et aujourd’hui j’affirme que oui, nous sommes profondément heureux et j’aime dire que le handicap ne doit pas être un frein au bonheur ! Notre Clémence est notre petite fille « précieuse » elle a changé nos cœurs et embelli notre vie et c’est alors naturellement que nous avons eu l’envie d’agrandir la famille: Laura, Clémence, Stanislas, Amicie, Constant. Cinq enfants à aider à grandir et à aimer! Nous n’avons jamais eu peur d’avoir un autre enfant handicapé, nous avons fait ce choix de faire confiance à la vie et de ne faire aucun examen, car nos cœurs étaient de toute façon déjà prêts à aimer et cela au delà du handicap. Chaque enfant a sa valeur et le droit à la vie. Chaque enfant a le droit d’être aimé.

C’est une chance pour nous d’avoir eu notre Clémence, notre vie est riche et nous avons rencontré l’amour, Clémence est un peu une magicienne, capable de faire grandir les âmes! Si nous avions su à l’avance toutes les joies qui nous attendaient, si nous avions su que l’amour peut surgir même au milieu des difficultés, si nous avions su comme nos cœurs seraient touchés, si nous avions su combien il serait finalement facile de vivre avec la trisomie, je n’aurai jamais autant pleuré.

la plus grande des forces c’est l’amour et c’est aussi le seul remède à la trisomie.

J’aurai envie de dire à tous ces couples qui attendent un enfant différent de garder confiance, de ne pas se laisser emporter par leurs peurs, de croire en eux et en leurs capacités à être de bons parents aimants. Que finalement, la plus grande des forces c’est l’amour et c’est aussi le seul remède à la trisomie. Clémence à sa place de grande sœur dans la fratrie et notre famille est unie. La différence fait partie de notre famille et chacun d’entre nous l’a compris et intégré. Je suis touchée de voir les liens affectifs qui unissent Clémence et ses frères et sœurs. Chacun d’entre eux est plein de petites attentions pour Clémence. Je crois que pour eux aussi, il est bénéfique de vivre avec la différence. Cela les rend plus forts, et c’est un bon apprentissage de vie et d’amour!

Agnès et Nicolas, parents de Clémence.

Si vous souhaitez suivre les aventures de Clémence sur Facebook, vous pouvez consulter sa page « Clemence , le bonheur dans tes yeux » .

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